Voilà deux ans que je survis dans ce taudis, deux ans à essayer de défendre les derniers retranchements de sainteté de mon âme contre la conjuration d’imbéciles la plus sournoise jamais conçue. Une incroyable cristallisation de tout ce qu’il y’a de puant dans notre époque ; moi qui voulais observer l’ennemi de près, je suis servi. Car l’ennemi, l’ayant préalablement connu dans la littérature, je ne l’imaginai pas aussi lâche et fatale, je me disais : Trop infect pour être vrai ! Mais oui, il existe ! Dieu créa le diable, puis la femme, puis, ayant doué l’homme de raison, il s’est dit que ça serait trop facile pour lui d’outrepasser ses difficultés, alors il fit sa créature la plus ignoble : Le bourgeois. Ô être humain, ne crains pas l’ennemi qui est devant toi, ni celui derrière toi, ni celui à tes côtés, crains le pire : Toi-même avec l’âme corrompue par le matérialisme.
Pourtant, j’étais prévenu : A quoi bon lire Marx, Jünger ou Bloy si c’est pour me jeter dans la gueule du loup un CDI dans une main et un lubrifiant anal dans l’autre. Toi qui entre au marché de l’emploi, abandonne toute espérance. Mais j’étais loin de m’imaginer ce qui allait suivre : Une telle concentration d’esprit bourgeois que ton âme étouffe dans les deux secondes qui suivent ta prise de poste ; du zyklon B puissance mille. Et pourtant, j’ai survécu deux ans, deux ans d’une mort mécanique, méthodique, à petit feu de cheminée (La cheminée étant l’ultime rêve bourgeois, car il craint le froid autant que l’intelligence, c’est dans ses gènes).
Pour me réconforter, je me disais que cela me permettra d’étudier cette espèce de plus près, de la disséquer, de lui trouver un antidote. Que dalle ! Cette créature est increvable. L’être d’un bourgeois est de persévérer dans sa médiocrité, toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus con. Le bourgeois ne voit jamais plus loin que le bout de son portefeuille, portefeuille qui, plus il est gonflé, plus l’égo de son propriétaire l’est aussi. Ne jamais se poser de question existentielle, ne jamais traiter de sujet important, ne jamais réfléchir, ne jamais s’interroger, ne jamais enquêter ; parler de fringues, de voitures et de restos le plus longtemps possible. Chaque sujet dérisoire prend des proportions astronomiques ; réunion au sommet pour traiter de la marque de culotte de ton chien ; l’ONU des pouffes ; le G7 des coincés de la bite.
J’ai toujours eu du respect pour les dirigeants d’entreprises, ça doit être fatigant de diriger un tel troupeau de bêtes, heureusement qu’il y’a les chiens, les caporaux, le middle-management, un middle finger grandeur nature dans ta face. Le capitalisme est mort depuis que l’entreprise s’est transformée de machine à faire du fric à machine à flatter les égos. Mais laissez-moi vous dire une autre vérité : Qu’est-ce qui est pire qu’un bourgeois cadre-sup ? Une bourgeoise cadre-sup. Leur façon de manager n’obéit qu’à une seule règle : Leur cycle hormonale. Leur degré d’hystérie est inversement proportionnel à la taille de la bite de leur partenaire. Moins tu baises, plus tu montes en hiérarchie.
Le bourgeois atteint l’orgasme quand il devient le grand chef de la petite gare, le petit grand homme dans le rond, l’homme de taille moyenne parmi les nains. La bourgeoise atteint l’orgasme quand elle devient si puissante en entreprise que son mari n’arrive plus à bander, alors il se tape sa femme de ménage, et elle déprime.